Advertisement 1

Verbomoteur: Pourquoi Stellantis veut tirer la «plogue» sur son usine de batteries en Ontario

Volkswagen a obtenu 13$ milliards du gouvernement fédéral pour sa nouvelle usine de batteries ontarienne; Stellantis estime avoir droit à la même chose.

Article content

Les manchettes sont décidément de mauvais augure. La CBC affirme que «le gouvernement et Stellantis jouent à un jeu dangereux avec l’usine de batteries pour véhicules électriques de Windsor». D’autres médias déclarent qu’Ottawa n’honore pas son contrat envers ladite usine de véhicules électriques.

Advertisement 2

Story continues below

Article content

Stellantis a même déclaré publiquement que «le gouvernement canadien n’a pas respecté ce qui avait été convenu» et qu’avec LG Energy Solution, elle commencera «immédiatement à mettre en œuvre des plans de rechange». Et d’annoncer la suspension de la construction de la méga-usine de 5 milliards de dollars pourtant annoncée en grande pompe l’année dernière.

Ces plans de rechange n’ont certes pas (encore) été spécifiés, mais si vous pensez que le constructeur menace de déplacer son usine de batteries aux États-Unis, vous n’êtes pas seul à le faire.

Qu’en est-il vraiment? Comment un accord, accueilli avec trompettes et tambours il y a à peine un an, s’est-il transformé en une foire d’empoigne? Quels sont les enjeux – et existe-t-il des solutions? Pour toutes – bon, d’accord: pour certaines réponses, votre Verbomoteur tente d’éclaircir cette tempête… dans une usine de batteries.

Advertisement 3

Story continues below

Article content

Comme toujours dans ce genre de situation, l’important est d’abord de…

Suivre la trace de l’argent

Essentiellement, ce différend porte sur l’argent. Plus précisément, il porte sur les quantités mirobolantes de billets verts américains que l’Inflation Reduction Act (IRA, la loi sur la réduction de l’inflation) des États-Unis promet aux constructeurs automobiles. Et, aussi, sur les efforts (quelque peu tardifs) du Canada de les égaler.

Comme le savent à peu près tous les Canadiens, Volkswagen vient d’obtenir 13 milliards de dollars pour construire une usine de fabrication de batteries à Saint-Thomas, en Ontario. Si vous lisez régulièrement nos chroniques d’opinion sur Driving.ca, vous savez aussi pourquoi Stellantis est si mécontente, pour ne pas dire furieuse; c’est qu’elle est loin d’avoir reçu pareille manne pour construire son usine à Windsor. (On pense que la contribution gouvernementale serait d’environ 500 millions de dollars).

Advertisement 4

Story continues below

Article content

Et… c’est à peu près tout ce que l’on sait. Certes, il existe une horde d’informations – erronées – quant aux raisons pour lesquelles ces subventions sont offertes, et d’où elles viennent. Au sommet rang de ces allégations, il y a tous ces reportages qui expliquent – faussement, encore une fois – la colère des constructeurs automobiles (et des politiciens de leur pays d’origine) contre la généreuse mesure incitative de 7500$US décrite dans les clauses 30D de l’IRA. (Une somme versée aux acheteurs de véhicules électriques assemblés aux États-Unis, au Canada ou au Mexique).

Mais le problème n’est absolument pas là. Le véritable nœud est caché très profondément dans les entrailles de l’IRA, plus particulièrement à la section 45X. Visant à contrer l’ostensive avance de la Chine, cette section promet à tout constructeur automobile (ou filiale) qui érige une usine de fabrication de batteries rien de moins qu’un crédit fédéral de 45$US par kilowattheure (kWh) fabriqué. Et cette manne est versée uniquement si ladite usine se trouve aux États-Unis; pas au Canada, pas au Mexique.

Advertisement 5

Story continues below

Article content

Recommended from Editorial

  1. Verbomoteur: le Canada, une superpuissance VÉ… vraiment?

    Verbomoteur: le Canada, une superpuissance VÉ… vraiment?

  2. Le Canada, choisi pour la 1ère usine de batteries de VW hors-Europe

    Le Canada, choisi pour la 1ère usine de batteries de VW hors-Europe

Plus important encore, il n’est pas question ici d’un accord ponctuel, comme ces subventions que les politiciens désespérés vont offrir aux constructeurs automobiles pour qu’ils bâtissent une usine d’assemblage dans leur juridiction. Plutôt, ces 45$US offerts pour chaque kWh produit sont offerts sous forme de bonus continuel, payables dès que l’usine commence à produire des batteries et ce, jusqu’en 2032 – lorsque le programme prendra fin.

Voilà qui signifie qu’une usine de 45 gigawatts construite en sol américain, si elle respecte toutes les directives de l’IRA, recevrait 2 milliards de dollars par an jusqu’en 2032. De fait, si vous vous demandez comment le gouvernement canadien et Volkswagen en sont arrivés à un total de 13 milliards dollars (ce que le constructeur allemand est censé recevoir des contribuables canadiens), dites-vous que c’est la somme – 10 milliards de dollars américains – que VW aurait reçue si cette même usine avait été construite au sud du 49e parallèle.

Advertisement 6

Story continues below

Article content

The Canadian Minister for Innovation, Science and Industry, François-Philippe Champagne, left; Thomas Schmall, Group Board Member for Technology at Volkswagen AG, center; and Oliver Blume, CEO Volkswagen AG
L’honorable François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie du Canada, avec Oliver Blume, PDG du groupe Volkswagen. (À l’arrière: Thomas Schmall, membre du conseil d’administration du groupe Technologie de Volkswagen). Photo by Volkswagen

Suivez la trace de l’argent – encore plus loin

Si les boniments qui entourent cette saga sont tout à fait dignes des politiciens qui les racontent, la seule affirmation qui semble plausible est que l’usine Stellantis-LG générera 2 500 nouveaux emplois. Par la suite, les prétentions sont toutes plus farfelues les unes que les autres.

Par exemple, certains politiciens soutiennent que l’usine de Windsor générerait 25 000 nouveaux emplois – ou que 25 000 emplois existants seraient sauvés. Ils parviennent à cette statistique en supposant que chaque nouvel emploi direct à l’usine de batteries engendrerait 10 nouveaux emplois indirects. Euh… c’est pratiquement le double de ce qu’il serait raisonnable de présumer, selon l’estimation faite par l’ontarienne Trillium NetWork for Advanced Manufacturing – les analystes qui, à date, ont fait le meilleur travail d’analyse de l’industrie automobile et de l’effet de la fabrication de batteries sur l’emploi au Canada.

Advertisement 7

Story continues below

Article content

Mais bon, suivons le… courant et allons-y avec 25 000 emplois.

Diviser une subvention de 13 milliards de dollars par quelque 25 000 emplois revient à 520 000 dollars. Autrement dit, c’est ce que chacun de ces emplois coûtera. À un salaire annuel de 80 000$ — et ça, c’est si tous les emplois étaient syndiqués — c’est dire que nous aurions pu payer l’ensemble de ces 25 000 travailleurs à rester assis, chez eux à la maison, pendant six ans et demi.

Pareille affirmation est un énoncé populiste servant à haranguer les foules de Pierre Poilievre. Sauf que plus révélateur encore, il y a les recettes fiscales que pareils emplois devront générer pour rembourser ces 13 milliards de dollars. En utilisant le calculateur d’impôt taxtips.ca, un programme qui émule les calculs de Revenu Canada, on découvre que chacun de ces emplois générera un peu moins de 16 000$ en impôts, provinciaux et fédéraux combinés.

Advertisement 8

Story continues below

Article content

En d’autres termes, ces 25 000 travailleurs devront travailler plus de 30 ans pour rembourser la manne que les libéraux de Trudeau distribuent si généreusement.

Certes, voilà qui ne tient pas compte des divers impôts sur les sociétés qui rempliront les coffres d’Ottawa pendant la même période. Sauf que même si ces revenus corporatifs représentaient les deux tiers des recettes fiscales générées par tous ces emplois, cela nous laisse encore avec une période de récupération de 10 ans. Les chiffres sont encore pires si l’on se montre plus conservateur dans l’estimation – disons… 15 000? – des emplois indirects.

Quel que soit le nombre d’emplois concernés et quelle que soit la répartition réelle entre les recettes fiscales des sociétés et des particuliers, on s’aligne sur une période de «récupération» prolongée. Aux taux d’intérêt d’aujourd’hui, sans doute qu’un bon nombre d’actuaires suggéreraient plutôt que le remboursement de notre dette fédérale de 13 milliards de dollars – ou, à tout le moins, le fait ne pas contracter de nouvelles dettes – serait un meilleur investissement.

Advertisement 9

Story continues below

Article content

Au-delà de ces sommes d’argent faramineuses, on a droit à de la politicaillerie plus virulente que normal. Mais bon, sans avoir accès à aucun de ces accords finaux signés par le fédéral avec les deux constructeurs automobiles dont il est question ici, toute interprétation de ce que Stellantis demande n’est que pure conjecture.

Tout au plus, nous savons que c’est en mars 2022 que le constructeur a signé son accord pour construire son usine de fabrication de batteries à Windsor avec les gouvernements ontarien et fédéral, alors que l’IRA n’a été signé qu’en août de l’année dernière.

Par contre, selon un récent article du Toronto Star, Stellantis affirme que le gouvernement fédéral a, pas plus tard qu’en février dernier, accepté de «faire correspondre les mesures incitatives à la production, en vertu de la loi américaine sur la réduction de l’inflation». L’engagement écrit viserait à combler «l’écart concurrentiel» créé par les subventions américaines.

Advertisement 10

Story continues below

Article content

Dans quelle proportion ces négociations sont devenus des fruits amers pour Stellantis – et dans quelle mesure le gouvernement fédéral ne respecte pas ses engagements précédents? Impossible de savoir. Mais la situation soulève une dernière question, primordiale:

Est-ce que les États-Unis considèrent toujours Stellantis comme un constructeur américain?

L’une des rumeurs persistantes entourant la loi sur la réduction de l’inflation est que les constructeurs automobiles américains avaient été informés – peut-être même avaient-ils été consultés – quant à ces astronomiques subventions. Ça ne serait guère surprenant, la seule chose sur laquelle tout le monde pouvant s’entendre est que cette loi IRA n’a rien à voir avec la réduction de l’inflation – et tout à voir avec la protection des travailleurs américains de l’automobile.

Advertisement 11

Story continues below

Article content

Si cet écho tient la route, alors une question se pose: pourquoi Stellantis aurait-il signé un accord avec les autorités canadiennes alors qu’il savait que plus d’argent – ​​beeaauucoup plus d’argent – ​​était dans la mire de ce côté-ci de la frontière?

La compagnie a été formée, vous vous en souviendrez, en 2021, de la fusion de Fiat-Chrysler et du groupe français PSA, et ses actions sont cotées sur les bourses Euronext de Paris et de Milan, ainsi que sur le NYSE de New York. Est-il possible que Stellantis n’ait eu aucune idée des sommes qui pourraient lui revenir si elle construisait son usine de batteries dans les bons vieux États-Unis d’Amérique – alors que Ford et General Motors, eux, avaient été mis au parfum?

Ou est-ce que Stellantis affirme qu’elle avait pleinement connaissance des montants promis en vertu de l’IRA – et qu’alors, le gouvernement canadien aurait fait des promesses semblables à celles de Volkswagen, mais qui ont encore à être respectées?

Nul ne sait… encore. Mais lorsqu’il est question de milliards de dollars à verser chaque année jusqu’en 2032, une chose est sûre: les discussions politiques qui vont s’ensuivre vont sûrement s’éterniser.

David Booth picture

David Booth

Canada's leading automotive journalists with over 20+ years of experience in covering the industry

Comments

Postmedia is committed to maintaining a lively but civil forum for discussion and encourage all readers to share their views on our articles. Comments may take up to an hour for moderation before appearing on the site. We ask you to keep your comments relevant and respectful. We have enabled email notifications—you will now receive an email if you receive a reply to your comment, there is an update to a comment thread you follow or if a user you follow comments. Visit our Community Guidelines for more information and details on how to adjust your email settings.

Join the Conversation

POPULAR VEHICLE COMPARISONS